Ces dernières années, l’on a noté une démocratisation des TICs au service de l’agriculture. Une révolution favorisée par un certain nombre de facteurs et qui engage beaucoup plus de jeunes le long de la chaine de valeur agricole. Quels sont les facteurs qui ont entrainé le développement de l’E-agriculture ? Quels sont les défis à relever et les perspectives pour soutenir la croissance agricole et le développement des pays africains ? Au cœur de la révolution ICT4Ag

Longtemps considéré comme le secteur pourvoyeur d’emplois en Afrique, l’agriculture connait ces dernières années une révolution. L’on assiste en effet à l’entrée remarquée de beaucoup de jeunes africains au long de la chaine de valeur agricole. Qu’il s’agisse de la production, du marketing, du commerce ou encore de la consommation ; ils sont nombreux ces jeunes qui développent des solutions numériques locales pour impacter leur communauté. Plusieurs facteurs ont contribué à faire émerger le développement des TICs dans l’agriculture. Le premier facteur est bien le développement de la téléphonie mobile en Afrique. En effet, Selon les estimations de l’Association mondiale des opérateurs de téléphonie mobile (GSMA) relayées sur le site de nos confrères de l’Agence EcoFin, l’Afrique subsaharienne demeure le marché mobile le plus dynamique du monde avec son parc d’abonnés toujours croissant. A la fin de l’année 2016 par exemple, cette région du continent avait enregistré 420 millions d’abonnés unique. Ce qui représente un taux de pénétration du mobile de l’ordre de 43%. Il faut à ce niveau préciser que le taux de croissance annuelle de la zone qui est de 6,1%, est plus élevé que la moyenne mondiale. Selon les projections du GSMA, l’Afrique subsaharienne pourra compter plus d’1/2 milliard d’abonnés unique au mobile, d’ici 2020, tandis que le nombre total de connexions SIM qui avait atteint le chiffre de 731 millions à la fin de 2016, frôlera le milliard au bout des trois prochaines années.  Selon le site d’Ecofin, 115 millions de nouveaux abonnés au mobile sont attendus en Afrique subsaharienne d’ici 2020. La République Démocratique du Congo, l’Ethiopie, le Nigeria et la Tanzanie, pays qui ont une forte population dans la région, représenteront près de la moitié de ces nouveaux consommateurs du mobile. Notons qu’en 2016, le mobile a généré un revenu de 110 milliards de dollars US en Afrique subsaharienne, soit 7,7% du PIB de la région. D’ici 2020, les perspectives font état d’un revenu de 142 milliards de dollars, pour  8,6% du PIB.

Le second facteur qui a occasionné la révolution du digital dans l’agriculture est l’environnement favorable aux TICs qui a été dressé par les gouvernants. Au Bénin par exemple, un ministère a été entièrement consacré à l’économie numérique. Ce qui encourage de nombreux jeunes à se lancer dans le secteur agricole avec les solutions qu’ils développent. Ainsi, est né plusieurs pôles d’innovation sous l’impulsion de développeurs de technologies tels qu’Etrilabs au Bénin, CTA, iHub au Kenya ainsi que les groupes comme Orange, Safaricom, Nokia ou encore IBM. Ces pôles, il faut le préciser permettent aux startups  de développer le plein potentiel de leur génie et de s’insérer dans ce nouvel environnement promoteur. On n’oublie pas le grand rôle joué par CTA à travers la coopération internationale qui œuvre à promouvoir les initiatives ICT4Ag dans les pays Afrique Caraïbes Pacifiques. Beaucoup de gouvernements également contribuent à faire avancer ce secteur comme c’est le cas au Kenya où le gouvernement a mis en place un régime d’octroi de licence commun et ouvert. L’Etat Kényan a aussi investi plusieurs ressources dans l’installation de fibres optiques terrestre et sous-marines comme ce fut le cas aussi au Bénin, les TVA ont été supprimées sur les téléphones portables et le coût de l’internet a été réduit. De telles actions ne peuvent être que des mesures incitatives qui vont à coup sûr attirer des investissements.

Les défis à relever

S’il est à saluer la dynamique observée au niveau du développement des applications numériques pour l’agriculture, il faut noter que les jeunes startups peinent à devenir des entreprises à part entière. Et plusieurs facteurs peuvent expliquer cet état de chose.

D’abord, l’entrepreneuriat n’est pas encore suffisamment soutenu sur le continent. En effet, dans leur désir de se lancer dans l’entrepreneuriat, les jeunes peuvent être freinés par leur cercle familiale qui ne comprennent pas pourquoi emprunter un tel chemin au lieu d’aller déposer ses dossiers et travailler dans une entreprise ou dans la fonction publique. D’un autre côté, l’Etat apparente l’entrepreneuriat comme une fuite en avant pour ne pas répondre à la demande de l’emploi des jeunes. Dans les cursus scolaires et particulièrement les écoles d’agriculture, on n’apprend pas à l’étudiant comment faire des affaires ou encore développer des technologies. Dans les incubateurs ou autres pôle d’innovation, la question de la durabilité se pose encore et la faible disponibilité de capital risque n’est pas faite pour arranger les choses.

Ensuite, il faut noter que les modèles d’affaires développés par les jeunes startupers dans le domaine des TICS ne sont pas rentables. De plus, beaucoup d’investisseurs ne comprennent pas encore ces nouveaux marchés avec leurs spécificités. Il est donc difficile aujourd’hui de faire profit dans ce secteur vu qu’il existe des solutions analogues qui sont commercialisées en parallèles à celles développées par nos startups.

Enfin, il faudra noter que les jeunes startups sont freinées dans leur élan par les spécificités du monde agricole qu’ils ne comprennent pas toujours. En effet, beaucoup de jeunes qui développent les applications ICT4Ag ne connaissent pas le secteur agricole ou n’ont jamais pratiqué une activité agricole. Dans pareille circonstance, il est difficile de maitriser les paramètres afin de bien définir son modèle d’affaire. Aussi, pour la plupart des applications, c’est l’exploitant agricole qui est le client final. Erreur ! Puisque celui-ci dispose généralement d’une petite exploitation, il n’a pas un revenu consistant et pire est souvent pas trop instruit. Les exploitants agricoles continuent de travailler avec des outils rudimentaires et sont très dépendant du climat pour leur business.

Quelles perspectives ?

Le secteur agricole avec la démocratisation des TICs a de beaux jours devant lui. Pour cela, il faudra répondre aux défis énumérés plus haut. Ce qui passe nécessairement par une amélioration de l’environnement institutionnel. A l’image du Kenya, les gouvernants doivent prendre des mesures incitatives pour attirer les investisseurs, soutenir l’entrepreneuriat des jeunes et pour faciliter l’accès à internet à tous, condition sine qua non pour réussir dans ce domaine. Il faudra absolument améliorer les curricula de formation pour les mettre en adéquation avec les réalités du moment. Un travail de sensibilisation information doit être fait sur les possibilités d’investissement dans l’E-agriculture et sur le potentiel du marché pour les solutions TIC pour l’agriculture.

Mettre en place des centres d’incubations durables et permettre aux jeunes d’être en contact avec le monde agricole pour comprendre ses spécificités. Des équipes d’agronomes et de développeurs doivent travailler ensemble pour sortir des modèles d’affaires solides et rentables. Ce qui signifie que la clientèle des solutions ICT4Ag doit être orientée vers les agents de vulgarisation, les décideurs politiques, les distributeurs, les fournisseurs d’intrants, les chercheurs et autres qui sont des personnes dont le pouvoir d’achat est élevé.  Tout ceci permettra non seulement aux startups de faire du « cash » mais permettra à l’agrobusiness africain de prendre son envol.

L’autre chose est de ne plus considérer le téléphone portable comme le canal privilégié pour développer les applications TIC mais considéré également d’autres technologies mobiles telles que les stations météorologiques mobile, les étiquettes électroniques ou encore le développement des capteurs pour mesurer la température des champs, la concentration des nutriments ou la mesure de l’humidité des sols. En dehors de cela, la généralisation des drones est aussi l’autre solution de diversification des technologies ICT4Ag.

Steve HODA